EN
The photographic work of Fabien Marques unearths what is hidden under layers of time or discloses what is kept behind closed walls.
One example of his exploration of concealed spaces, is the series Der Männergarten for which he photographed the private rooms where prostitutes entertain their male clients. The women and clients themselves are never shown, only the room in which the transaction will be consumed is on display. The photographs are taking during the day, with the light abundantly present, clearly delineating every object in the room. This bright light disrupts the fantasy the room is supposed to uphold. Suddenly we notice a tension between the room and the décor, between the (too) neatly painted walls, the (all too recognizable) radiator and the several props that are supposed to evoke some exotic location. As such, these images focus on the architecture of desire, or rather, on the imaginative but also somewhat clumsy gathering of different objects to create an immersive space in which the sexual fantasy of the client can unfold. While the revealing powers of the indiscriminate photographic medium are used to great effect in this series, the use of the same medium to delve into the intricateness of the temporal layers that make up our world seems a lot trickier. As a medium that is bound to the ‘here and now’ it only captures what is present in this moment, in this space. But at the same time, what (or who) is photographed, takes part in a larger history, and this history, hidden yet present, is something that the photographic image, precisely because it embalms its subject in the timeless time of an everlasting moment, is pre-eminently able to reactivate.
In his work With all my heart I kiss you, a study of Verdun, at the same time an real city but also a name forever linked to the horrors of the first World War, Marques opens up the photographic image to accommodate the rich history of the city and the historical violence it stands for. This is first and foremost obtained by combining different media (photographs, texts, archival images, slide projections, postcards, objects, etc.) into a spatial installation. The incessant dialogue between these elements creates an unstable environment where no media can claim precedence over another. Here, as in other works, Marques puts the photographic image under undue pressure, undoing its appearance of being a fixed and immutable representation of the world. The frame collapses: instead of a rigid barrier, it becomes porous, unable to protect the content from being affected by what surrounds it. Instead of a simple statement of fact, the photographic image becomes once again a telltale image, freely dispensing the multiple histories contained within.
Steven Humblet, July 2017
Steven Humblet is an art critic, independent author, researcher and curator, specialised in photography. He lives and works in Brussels.
FR
Le travail photographique de Fabien Marques révèle ce qui est profondément enfoui sous les strates du temps, expose ce qu’on dissimule derrière les portes closes.
Un exemple de son exploration d’espaces cachées est la série Der Männergarten pour laquelle il a photographié les chambres où des prostituées viennent divertir leurs clients. Les travailleuses du sexe, ainsi que leurs consommateurs, ne sont jamais montrés, seul le lieu dans lequel la transaction se tient est présentée. Les photographies sont exécutées pendant la journée, avec une lumière abondamment présente, délimitant clairement chaque objet dans la pièce. Cette lumière vive vient perturber le fantasme que le lieu est censé provoquer. Une tension est subitement ressentie entre la pièce et le décor, entre les murs (trop) bien peints, le radiateur (tout à fait reconnaissable) et les accessoires qui sont supposés évoquer un lieu exotique. En tant que telles, ces images se concentrent sur l’architecture du désir - ou plutôt l’imaginaire - mais aussi sur l’ensemble presque maladroit de différents objets, pour créer un espace immersif dans lequel la fantaisie sexuelle du client peut se dérouler. Alors que les pouvoirs révélateurs du non sélectif médium photographique sont utilisés à grand effet dans cette série, l'utilisation du même medium pour examiner la complexité des couches temporelles qui composent notre monde semble beaucoup plus épineuse. En tant que medium lié à l’ «ici et maintenant», il ne capture que ce qui est présent à un moment donné, dans un certain espace. Mais parallèlement, ce qui (ou quoi) est photographié, participe à une histoire plus vaste, et cette histoire, cachée mais déjà présente, est quelque chose que l'image photographique, précisément parce qu'elle embaume son sujet dans le temps sans-fin d'un moment permanent, est avant tout capable de se réactiver.
Dans son travail With all my heart I kiss you, une étude sur Verdun, à la fois ville réelle et nom qui résonne pour toujours à travers les horreurs de la Première Guerre Mondiale, Marques ouvre l'image photographique à contenir l'histoire riche de la cité et la violence historique dont elle est le témoin. Cela est d'abord et avant tout obtenu en combinant différents médias dans l’espace (photographies, textes, images d'archives, projections de diapositives, cartes postales, objets, etc.) autour d’une installation. Le dialogue incessant entre ces éléments crée un environnement instable où aucun média ne peut prétendre prédominer sur un autre. Ici, comme dans ses autres travaux, Marques met l'image photographique sous une pression indue, en mettant en échec le fait qu’elle soit une représentation fixe et immuable du monde. Le cadre se brise: au lieu d'une forme rigide, celle-ci devient poreuse, incapable d’empêcher son contenu d'être affecté par ce qui l'entoure. En lieu et place d'une simple déclaration de fait, l'image photographique devient une fois de plus une image révélatrice, prodiguant librement les multiples histoires qu’elle contient.
Steven Humblet, Juillet 2017
Steven Humblet est un critique d'art, auteur, curateur et chercheur. Il vit et travaille à Bruxelles.